Prestation dans le parc

Lucas, après sa rencontre avec Lynesse, continua son chemin en quête d'une seconde source de revenu. Lynesse avait été très généreuse avec lui, et il l'appréciait, mais il comptait continuer de faire de l'argent lors de sa journée pour pouvoir se gâter avec le surplus d'argent. Il s'était donc dirigé vers le parc, un lieu où plusieurs personnes marchaient pour relaxer, où plusieurs familles jouaient entre elles et où plusieurs amoureux se bécotaient sur les bancs publics. Il s'installa près d'un grand hêtre qui gouvernait le parc, à la vue de tous les passants, et s'éclaircit la voix. Avec des gestes théâtrales il commença sa chanson, le chapeau à ses pieds.

http://fr.youtube.com/watch?v=Rocl0fItwjY

- ''Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu'on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c'est une absurdité
Car à la vérité
Ils sont là c'est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympathiques

Ils se tiennent par la main
Parlent du lendemain
Du papier bleu d'azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher
Ils se voient déjà doucement
Ell' cousant, lui fumant
Dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympathiques

Quand la saint' famill' machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris
Ell' leur décoche hardiment des propos venimeux
N'empêch' que tout' la famille
Le pèr', la mèr', la fille
Le fils, le Saint Esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s'conduir' comme eux

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympathiques

Quand les mois auront passé
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s'apercevront émus
Qu' c'est au hasard des rues
Sur un d'ces fameux bancs
Qu'ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour

Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s'bécott'nt sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s'disant des "Je t'aime" pathétiques
Ont des p'tit's gueul' bien sympathiques !''

Tout en chantant, il s'était un peu promené, passant de l'hêtre aux marches de la fontaine et au banc d'à côté pour ensuite revenir à l'hêtre.

Sous l'ombre d'un arbre, Joanne Faust relaxait. Hector, son caméléon, était perché sur son épaule. Quelques fois, l'ange lui adressait la parole. Sur quel sujet? Rien de bien intéressant, je le crains. Après tout, un homme qui parle à un reptile comme à un être humain doit être le genre de type que l'on nomme fou. Cependant, notons qu'il se plaignait encore une fois des péchés en général et de son défunt navire. En trois ans, il avait pris goût à la mer et il adorait l'idée d'y retourner le plus vite possible. Malencontreusement, la construction de son futur bateau prenait plus de temps que prévu. Au moins, la prochaine fois, il ferait plus attention aux rochers...

Joanne laissa voguer son imagination à travers tout et rien. Par exemple, à quoi pouvait bien ressembler l'ancienne prison des déesses? Il essaya de se l'imaginer lorsqu'un chant se fit entendre. Intéressé, l'ange regarda en direction du barde. Ce type lui faisait étrangement penser à quelqu'un. Ce n'était pas lui aussi qui jouait de la flûte dans le village? La première fois qu'il l'avait vu, il lui aurait bien donné de l'argent, mais Faust était fauché. Aujourd'hui, il l'était encore, mais un peu moins qu'avant... Il réfléchit un peu sur la conduite à adopter avant de se lever et d'aller à sa rencontre.

-Gamin, j'ai une question à te poser. Est-ce que tu pour ou contre les péchés?

Sa question avait beau être stupide, il était important pour lui de ne pas donner de l'argent à quelqu'un qui était avare, paresseux, orgueilleux etc.

-Voilà enfin quelqu'un de sensé, soupira Joanne.

L'ange évita soigneusement de répondre à la question du barde pour le moment. À la place, il s'occupa d'essayer de le détailler le plus possible. Le jeune homme était jeune, plutôt grand, mince et peu musclé. Cheveux bruns, yeux de la même couleur, habillé en noir, il semblait plutôt banal aux yeux de l'ancien capitaine. Pourtant, dans son esprit persistait encore une question sans réponse ; pouvait-il lui faire confiance? Après tout, il pouvait bien lui mentir, comme on lui avait déjà fait autrefois.

-Hey, Hector, d'après toi, est-ce qu'on peut lui faire confiance?demanda l'ange à son caméléon.

N'obtenant pas de réponse de la part du reptile, Joanne prit ça comme un oui.

-En premier, appelle-moi Faust. Ensuite, si ça peut te rassurer, je suis également contre les péchés. La preuve? Mon objectif est de découvrir l'ancienne prison des déesses et des les y renfermer.

-Enchanté de faire ta connaissance, Lucas. Pour ma part, je suis charpentier et ancien capitaine du Chant Perdu, dit Joanne en lui serrant la main. Pendant que j'y pense, lui, il s'appelle Hector et c'est un alligator.

Si ça peut vous rassurer, l'ange ne fait aucune différence entre les lézards. Pour lui, il sont tous des alligators, même si c'est un caméléon... Toujours est-il, que lorsque le barde lui dit qu'il n'avait rien fait d'extraordinaire dans sa vie, cela surprit un peu Faust.

- Pourquoi? Je ne sais pas si le sais, mais je ne t'ai pas demandé de rejoindre mon équipage. Quoique, je dois avouer que ce serait sympa...

Les deux mains dans les poches de son manteau de cuir, Faust réfléchissait à ce que lui avait proposé Lucas. (Parce que oui, il est capable de réfléchir sans parler à son lézard. C'est juste rare.) D'un côté, c'était intéressant puisqu'il était en contact avec les gens. Donc, s'il avait besoin d'information, le barde pouvait les rechercher à sa place. De l'autre, il pouvait faire ça lui-même et il avait déjà peu d'argent. Cruel dilemme... Faust jeta un regard suppliant à son lézard en espérant que ce dernier pouvait lui donner une idée quelconque... ce qui ne fonctionna pas.

- Pour faire simple, je suis presque aussi fauché que toi. Le navire qui contenait tous nos objets précieux a coulé, il y a peu de temps. Cependant, je peux bien t'aider, puisque j'ai moins besoin d'argent que toi, mais avant, je dois te poser une question. Est-ce que tu sais lire et écrire? demanda Faust.

Analphabète, c'était un point primordial pour l'ange. Parler aux gens, il pouvait s'en occuper, mais rechercher des informations dans un livre, c'était une autre paire de manche. Surtout, que c'était dans les bouquins que se cachaient la majorité des informations que l'on cherchait...

-Hec, ce type est bizarre. C'est lui qui me propose son aide et après, il me dit qu'il ne veut pas m'aider. C'est à n'y rien comprendre.

Aussitôt après dit ces paroles, Joanne partit à son tour. Le "refus" de Lucas ne le dérangeait nullement. Après tout, ce n'était pas comme s'il lui avait déjà prévu un rôle pour le déroulement futur et que sa décision basculait ses plans. Non, en fait, l'ange savait qu'à défaut de pouvoir compter sur son aide, au moins, il savait qu'il était contre les péchés. Ce n'était peut-être pas gros, mais au moins, l'ancien capitaine savait qu'il avait encore des personnes censées dans ce village. Silencieusement, il sortit du parc et se dirigea vers l'inconnu.